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Supplément philosophique à l’intention des managers

Interview Bertrand Coty

Xavier Tandonnet, vous publiez aux éditions Eyrolles : Supplément philosophique à l’intention des managers. Quel peut être l’apport de la philosophie pour les acteurs de l’entreprise ?

À l’heure où les acteurs de l’entreprise sont en quête de sens, les premières réponses fournies par la communication institutionnelle ressemblent souvent à des écrans de fumée, qui creusent le fossé de la démotivation et du désengagement.

À l’inverse, la philosophie, qui questionne le monde, la connaissance et l’existence humaine, bien qu’a priori éloignée de l’écosystème des affaires, s’avère, plus que d’autres disciplines, légitime à élaborer des solutions substantielles à ces questions persistantes, à cette dilution de la relation au travail. Car la sagesse philosophique permet de revenir à la racine des incompréhensions qui se développent en situation professionnelle, de trouver le principe d’unité et de montrer l’ordre des choses.

Comment concilier l’objectif d’épanouissement personnel des salariés, avec l’objectif de performance de l’entreprise, et réconcilier par exemple vie familiale et vie professionnelle, souvent écartelées ? Voici une question lancinante à laquelle la philosophie peut donc apporter un autre éclairage.

Qu’est-ce que le réseau Philosobiz ?

Les consultants du cabinet de conseil en recrutement et de management de transition Aperlead Chasseurs d’Étoiles, reçoivent chaque jour depuis 20 ans en entretiens individuels, des candidats qui partagent leurs expériences, leurs déconvenues et leurs aspirations professionnelles.

Ayant remarqué que les dirigeants de formation philosophique justifiaient d’une approche d’une autre consistance, nous avons décidé d’identifier une centaine de ces « phénomènes », de les inviter deux années consécutives à un colloque où nous avions invité Julia de Funès à intervenir, suivi d’un cocktail dans les jardins du Cercle de l’Union Interalliée. Le réseau Philosobiz était né. La troisième année, nous leur avons proposé de rédiger un ouvrage collectif visant à poser un regard philosophique sur les problématiques managériales et de sens auxquelles ils sont confrontés dans leur rôle de dirigeant. Les réponses sont un supplément philosophique à l’intention de tous les managers.

Peut-on dégager un ou plusieurs enseignements clés des contributions à cet ouvrage ?

Cet ouvrage, introduit par un professeur de philosophie, est le fruit de la réflexion de neuf dirigeants philosophes, qui expliquent en quoi leur formation à cette discipline les aide à appréhender les problématiques managériales auxquelles ils sont quotidiennement confrontés.

Leurs enseignements sont aussi divers que les situations, que leurs expériences, que leurs écoles de pensée philosophique, que leurs personnalités ; ils apportent une réflexion universelle dont tous les managers sauront saisir l’essence.

L’un propose d’ordonner les dimensions individuelles et collectives et de trouver une unité par l’observation de la vertu de prudence, l’autre invite à réconcilier les appétits des managers et la recherche du bien commun, un troisième développe la vertu de courage, tous répondent aux questions de sens par l’articulation des finalités entre elles.

L’action se situe tantôt dans un environnement interculturel, tantôt sur fond de révolution digitale, de raison d’être et de déraison, ou s’inscrit dans la profondeur intemporelle des grands principes de gouvernance qui traversent l’histoire pour devenir des piliers du management moderne.

Dans le contexte d’incertitude qui prévaut, peut-on dire que la philosophie l’emporte sur l’idéologie ?

Le contexte contemporain, soumis à la vitesse des innovations scientifiques et des moyens de communication, est profondément éphémère. Le rapport à l’immédiateté est un atout à bien des égards : les informations se transmettent plus vite, le progrès technique assure un perfectionnement toujours croissant des outils collaboratifs. Mais, il serait naïf de penser que ces avancées sont sans conséquences, et les évaluer avec le recul nécessaire devient de plus en plus difficile. L’incertitude, alors, se fait grandissante, tant sur le plan politico-économique que social, ou encore relativement à la question des métiers de demain.

Comme pour se rassurer, certains versent dans l’idéologie. Mais elle ne saurait être une solution à nos questions, car elle reste une simplification à l’extrême, sans nuance, de la réalité. Elle n’est qu’un brainstorming guidé par les instances de pouvoir. L’idéologue ne regarde le monde qu’avec un prisme déformant.

La philosophie, quant à elle, a une tout autre valeur : elle accorde à qui veut s’y prêter, une connaissance non seulement des faits, mais surtout de leurs causes, connaissance certaine. Pour celui qui exerce des responsabilités, la philosophie est un atout incontournable, car elle accompagne sans cesse la prise de décision, donne une capacité à comprendre les enjeux, les finalités et donc les moyens pour les atteindre. À l’inverse de l’idéologie, la philosophie permet de poser des actes qui tiennent compte des situations, d’agir ainsi avec prudence, justice, tempérance et courage, autant de vertus que les auteurs du Supplément philosophique à l’intention des managers ont su développer.

Ainsi, si l’idéologie assure un certain confort, elle demeurera cependant toujours mauvaise conseillère. Celui qui philosophe, qu’il soit chef d’entreprise ou exécutant, apprend à bien penser et surtout à bien vivre, afin de poser en toutes circonstances des actes ajustés.

éditions Eyrolles

Xavier Tandonnet est à l’initiative du réseau Philosobiz.
Après des études en droit, sciences politiques et RH, et un premier parcours dans les troupes de marine, il rejoint un cabinet de recrutement anglais en 2000, puis cofonde en 2004 Aperlead chasseurs d’étoiles, cabinet d’executive search, de management de transition et de consulting, qu’il dirige depuis désormais 20 ans, dont 15 avec son associé Baudouin Doutrebente. Ancien maître de conférences à Sciences Po Paris (2012-2016), administrateur de Syntec conseil depuis 2021, Xavier est depuis 2023 juge au conseil de prud’hommes de Paris où il observe les méandres de la nature humaine et arbitre des contentieux résultant de la détérioration du lien entre les salariés et leurs employeurs. Il est convaincu que la philosophie confère un supplément d’âme aux relations managériales, en proposant des réponses profondes et équilibrées aux conflits de finalités.

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