Aux termes du premier alinéa de l’article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958, « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Son article 2 dispose quant à lui que la devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ». Un maire peut-il, fort de ces deux articles, ajouter le mot « Laïcité » dans la devise de la République apposée sur la façade des écoles de sa commune ? Le juge administratif a récemment répondu par la négative à cette question (CAA Versailles, 15 décembre 2023, n° 21VE02760).
Une nouvelle fois, le principe de laïcité a récemment agité le landerneau éducatif. Il ne s’agissait cette fois ni d’abaya, ni de qamis, ni de crèche, ni de santon de noël ou ni même de foulard islamique, mais de l’initiative controversée d’un maire de la région parisienne. Initiative retoquée par la justice administrative et c’est une bonne nouvelle, selon moi.
Les faits de cette affaire, quels sont-ils ? Le préfet de l’Essonne a, par un courrier du 12 novembre 2020, demandé au maire de la commune d’Étampes de retirer de la façade et des accès des écoles de la commune le terme « Laïcité », ajouté à la devise de la République « Liberté, Égalité, Fraternité ». Par un courrier du 30 novembre 2020, le maire de la commune d’Étampes a refusé de faire procéder à la modification de ces mentions portées en fronton des écoles communales. Sur déféré du préfet de l’Essonne, le Tribunal administratif de Versailles a donc été saisi de cette affaire. Par un jugement n° 2008880 du 29 juillet 2021, ce tribunal a annulé la décision non formalisée par laquelle le maire de la commune d’Étampes a fait inscrire le terme « Laïcité » à la suite des trois mots de la devise de la République sur le fronton des écoles communales. Ce jugement a été attaqué en appel par ladite commune, un arrêt a ainsi été rendu le 15 décembre 2023. C’est la décision ici commentée.
Aux termes du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances (…) ». Selon le quatrième alinéa de l’article 2 de la Constitution, la devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ». Dès lors, à première vue, rien ne semble s’opposer à mettre en avant la laïcité au fronton d’une école publique ? C’est sans compter l’article L.111-1-1 du Code de l’éducation selon lequel « la devise de la République, le drapeau tricolore et le drapeau européen sont apposés sur la façade des écoles et des établissements d’enseignement du second degré publics et privés sous contrat. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 est affichée de manière visible dans les locaux des mêmes écoles et établissements. (…)”. Cette disposition a été insérée par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 qui a encadré les modalités de pavoisement des écoles publiques.
Le maire de la Commune d’Étampes soutenait que sa décision est une mesure d’ordre intérieur et donc insusceptible de recours devant le juge administratif. La Cour ne l’a pas suivi, compte tenu de la portée symbolique particulièrement forte que revêt cette décision selon les termes de l’arrêt de la juridiction d’appel. Le préfet de l’Essonne était ainsi recevable à déférer cette décision devant le Tribunal administratif de Versailles.
L’édile de la Commune d’Étampes a fait installer sur divers bâtiments publics, à compter du mois de novembre 2020, des panneaux en forme de blason, portant les couleurs du drapeau français, ainsi que les mots « Liberté », « Egalité », « Fraternité », « Laïcité ». Ces quatre mots sont inscrits les uns à la suite des autres sur quatre lignes successives d’un blason, avec la même calligraphie, composant ainsi un tétraptyque homogène. Pour la Cour, ce faisant, le maire de la Commune d’Étampes ne s’est pas simplement borné à apposer le mot « Laïcité » sur les portails des écoles et de plusieurs autres bâtiments publics, mais a ainsi altéré la formulation de la devise de la République, telle qu’énoncée par les dispositions de l’article 2 de la Constitution française, qui n’intègre pas ce terme. En conséquence, pour le juge administratif, la décision contestée a ainsi méconnu la Constitution et les dispositions de l’article L.111-1-1 du Code de l’éducation et doit donc être annulée.
Cette solution doit être saluée, selon moi. Même si l’intention de la collectivité publique en cause ici peut apparaître louable tant la laïcité est un principe précieux de notre République, admettons que la devise de la République n’est pas à la carte. Admettre le contraire, ce serait alors dévoyer une devise peu contestée aujourd’hui, mais qui est pourtant le fruit d’une histoire chahutée. En effet, ce n’est qu’en 1848, avec la proclamation de la IIe République, que la formule « Liberté, Égalité, Fraternité » devient la devise officielle de la France. Le XIXe siècle a été traversé par un vif débat autour de l’ordre et du sens des mots. Certains estimaient, comme Tocqueville, que le désir d’égalité peut freiner la liberté des individus. D’autres, comme le socialiste Pierre Leroux, proposaient de placer la fraternité au centre du triptyque, pour réconcilier liberté et égalité. D’autres percevaient dans la fraternité une connotation religieuse, et lui préféraient alors l’idée de solidarité. Les débats se sont prolongés jusqu’au début de la IIIe République avant que la devise ne s’impose finalement. Depuis le 14 juillet 1880, elle est ainsi inscrite sur les frontons des édifices publics…
Président de FRD CONSULTING et de FRD LEARNING. Son expérience de juriste et d’avocat lui a notamment permis d'acquérir une solide expertise en droit immobilier public (droit de l’urbanisme, droit des collectivités territoriales, droit de l’environnement…).
- Spécialiste en droit public et en RSE
- DEA Droit public des affaires
- DESS Droit de la construction et de l'urbanisme
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