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Consommateur, citoyen, écologiste, fan de foot. Qui est le salarié ?

Aujourd’hui, « il » ne tourne plus sa veste : il n’en a plus. Aujourd’hui, il change de casquette à une telle vitesse que les signaux faibles sont ultras faibles ou pluriquotidien. Qui est le salarié ?

Conversation vécue

  • Pour vous, quelle et la grande difficulté du manager aujourd’hui ?
  • S’il ne fallait en retenir qu’une, je dirais l’intégration des nouvelles générations.
  • Les Millennials ?
  • Non. Les Z. Nés depuis « 1995 », à la fin du siècle dernier.
  • Les Millennials aussi… ?
  • Dans le fond oui, ils ont aussi une part d’instabilité, de revendication. En couple ou pas.
  • Et les vieux ? Les plus de 55 ans ?
  • Aïe ! Vous me faites mal… Oui les expérimentés, ceux qui portent la mémoire de l’entreprise, ceux qui sont stables, rapides sur certains aspects, car ils réagissent d’expérience, plus lents sur d’autres, car les méthodes et techniques ont largement évolué, ceux qui veulent améliorer leur retraite en travaillant quelques années de plus. Les parents des Z A eux aussi il faut manager leurs sensibilités…
  • Et entre ? Les 40-55 ans ? Pas de difficulté managériale ?
  •  😀 !

Il n’y a pas de génération plus facile que d’autres à manager dans l’entreprise. Il y a surtout un profond changement d’état d’esprit du personnel… et des managers.

Dans les années 45/50, le salarié travaillait 60 % du temps de sa vie (de la naissance à la mort, H24). Aujourd’hui c’est 13,5 % sur la même base (formation comprise). Son temps de vie est éclaté sur bien des sujets en temps domestique, télévision, loisirs et vacances, etc. le salarié est multiple et contradictoire.

Et surtout il est multiple.

Le consommateur en deux France

C’est presque une caricature, mais c’est ainsi. En octobre, le gouvernement et Total Energies, pour soutenir le pouvoir d’achat des Français, ont fortement baissé le prix de l’essence à tel point que les frontaliers (belges, allemands, suisses) venaient faire le plein en France. Pour la Toussaint, on a compté 700 km de bouchons. La baisse du prix de l’essence était-elle vraiment nécessaire pour tous ? Il aurait fallu aider ceux qui consommaient moins d’essence, donc insuffler un changement d’état d’esprit.

En transport aérien, malgré un nombre mondial de vols à 88 % du trafic de 2019 (les Chinois et les Japonais ont été les grands absents, et la guerre en Ukraine a impacté sur le nombre de vols), les prix des billets ont augmenté de 33,3 % en moyenne selon Eurocontrol, 36,5 % en France en août. Les clients, moins de « professionnels », plus de « loisirs », ont souffert des retards de vols, d’annulations, de pertes de bagages, souffrances qui n’empêchent pas de voyager. D’ailleurs pour Noël/Nouvel An, les stations de sport d’hiver des Alpes s’annoncent fin novembre 22 réservées à près de 90 % malgré l’année 2022 la plus chaude depuis les relevés de température.

Le changement climatique reste une abstraction sauf lorsqu’il est directement vécu ou subi. Et de nombreux consommateurs ont des réserves financières.

Quant à la consommation, elle est en chute. 16 % des foyers les plus modestes sont en réduction de consommation en alimentation comme en non alimentaire. Les marques nationales sont abandonnées au profit des MDD (marques de distributeurs), voire pour les premiers prix. Le superflu (confiserie, chocolat, alcool plaisir) est en chute. Les deux premiers postes de dépenses (logement et transports) sont impactés par la hausse du prix du pétrole. Pour un tiers des Français, il n’est plus question d’acheter un logement ni une voiture dont les prix ont augmenté en deux ans de 20 à 25 %, bien plus que l’inflation, et les hausses de salaire sont souvent inférieures à l’inflation, sans compter les refus de crédit des banques (les taux restent encore très bas).

Pour simplifier, un tiers des Français sont en forte souffrance financière, deux tiers non. Il faut donc écouter les un comme les autres.

Écologiste et fan de foot : à chacun sa cause

Les écologistes ont protesté contre la Coupe du Monde de Foot au Qatar pour non-respect dans ce pays des Droits de l’Homme en général, du Travail, des femmes, des LGBT, des libertés individuelles en particulier, pour aberration climatique, etc. À juste titre. Il leur a été rappelé que le choix du Qatar avait environ 10 ans et que les protestations auraient plus débuter il y a 10 ans.

En Égypte, les Droits ne sont pas plus respectés qu’au Qatar. Pourquoi alors ne pas avoir les mêmes protestations contre la présence de la COP 27 à Charm El-Cheikh, station balnéaire créée de toute pièce pour les Égyptiens fortunés et les touristes argentés à 7 h d’autobus du Caire ou 1 heure d’avion ? Et pourquoi ne pas protester contre le choix de la COP 28 aux Émirats Arabes Unis (Dubaï) pas plus respectueux des Droits et de l’environnement que le Qatar ?

On est devant un manque de cohérence de la pensée et une action d’abord militante, très cloisonnée. À chacun sa cause. Chacune est respectable quand bien même les priorités sont mal perçues.

Et pour l’entreprise ?

L’entreprise reste encore pour partie un espace neutre. Néanmoins, elle est concernée par les objectifs zéro carbone pour l’État, pour ses clients ou pour elle-même. Le zéro carbone se répercute sur les salariés et leurs déplacements et donc bientôt sur leurs familles.

Ce salarié est donc un consommateur multiple, un passionné de biens des choses comme la nature ou le foot ou les voyages ou autres… La société a bien évolué depuis 1950. Depuis 2020, l’évolution est d’une rapidité inconnue à ce jour. Et depuis la prise de conscience de la Covid-19, les années alignent les « révolutions » et les soi-disant « transitions » qui sont des souhaits vains de retour à l’état antérieur.

Comment dans ce paysage mutant concilier tous ces contraires qui débutent par l’âge et se concrétisent par les passions y compris dans la création de produits et services de l’entreprise. Nous y reviendrons, car l’entreprise est confrontée à ces mutations, et ses équipes aussi.

Je repars en plongée…

Plus de publications

Philippe Cahen est un prospectiviste reconnu par les entreprises.
Sa méthode est fondée sur l’anticipation et la détection des signaux faibles, et les réponses que doivent préparer les entreprises.
Editeur de « La lettre des Signaux Faibles », depuis 2003 et de « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles », éd. Kawa.
Dernier livre : « Le chaos de la prospective et comment s’en sortir », éd. Kawa

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