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Urbanisme : Question d’échelle

Urbanisme : pas d’incompatibilité avec une orientation d’aménagement et de programmation d’un PLU si l’autorisation d’urbanisme ne suffit pas en elle-même à contrarier l’ensemble de l’objectif à l’échelle de la zone

Par un arrêt important du 18 novembre 2024, le Conseil d’État a jugé que si une autorisation d’urbanisme doit être compatible avec les orientations d’aménagement et de programmation (OAP) d’un plan local d’urbanisme (PLU), l’appréciation de cette compatibilité doit être portée globalement à l’échelle de la zone dans laquelle l’OAP s’applique.

Par le passé, le Conseil d’Etat a déjà jugé, dans une décision mentionnée aux tables du recueil Lebon, qu’une autorisation d’urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu’elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d’aménagement et de programmation d’un plan local d’urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs (CE, 30 décembre 2021, n°446763, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Il s’agit d’une jurisprudence constante (CAA Nantes, 12 mars 2024, n°21NT03289 ; CAA Toulouse, 8 décembre 2022, n°20TL04707).

Ce qui est important dans l’affaire ici commentée est que les Juges du Palais-Royal considèrent que l’appréciation de cette compatibilité doit être portée globalement à l’échelle de la zone dans laquelle l’OAP s’applique.

Ce n’est donc pas parce qu’un projet ne remplit pas tous les objectifs d’une OAP qu’il en contrarie l’accomplissement à l’échelle de la zone.

Un bref rappel des dispositions du Code de l’urbanisme s’impose.

En vertu de l’article L.151-2 du Code de l’urbanisme, le PLU comprend un rapport de présentation, un projet d’aménagement et de développement durables, des orientations d’aménagement et de programmation, un règlement et des annexes, chacun de ces éléments pouvant comprendre des documents graphiques.

Aux termes de l’article L.151-6 du même code, les OAP comprennent, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l’aménagement, l’habitat, les transports et les déplacements.

Enfin, aux termes de l’article L.152-1 du même code, l’exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d’installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu’elles existent, avec les orientations d’aménagement et de programmation.

En l’espèce, dans l’affaire ici jugée par le Conseil d’Etat, par un arrêté du 11 avril 2022, le maire de Taluyers avait délivré à la société d’habitations à loyer modéré Alliade Habitat un permis de construire un ensemble immobilier de dix-sept logements. Mais, Mme A. et M. B., voisins du projet, ont alors demandé au Tribunal administratif de Lyon d’annuler ce permis. Toutefois, faisant application de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme, ce tribunal a partiellement annulé le permis litigieux en tant, d’une part, qu’il est incompatible avec les dispositions de l’orientation d’aménagement et de programmation n° 1, dite de La Tour-Sainte Maxime, du plan local d’urbanisme et, d’autre part, qu’il méconnaît les dispositions de l’article UB 10 du règlement de ce plan.

Saisie à son tour, le Conseil d’Etat affirme “qu’une autorisation d’urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu’elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d’aménagement et de programmation d’un plan local d’urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs. Cette compatibilité s’apprécie en procédant à une analyse globale des effets du projet sur l’objectif ou les différents objectifs d’une orientation d’aménagement et de programmation, à l’échelle de la zone à laquelle ils se rapportent”.

Or, dans cette affaire, “le plan local d’urbanisme de Taluyers, approuvé le 29 février 2016, comporte une orientation d’aménagement et de programmation, applicable dans le périmètre d’assiette du projet litigieux, qui prévoit, pour renforcer la mixité fonctionnelle à l’entrée du village et garantir la mise en œuvre du projet communal dans les dix années à venir, qu' » une part importante des surfaces de plancher aménagées dans le cadre du renouvellement potentiel des parcelles longeant la route du Prieuré, au nord du périmètre, devra ainsi permettre l’accueil d’activités de services « .

Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’en jugeant que le permis litigieux n’était pas compatible avec cette orientation d’aménagement et de programmation au seul motif qu’il prévoit la création de dix-sept logements à usage d’habitation répartis dans trois bâtiments sans qu’une partie des surfaces de plancher créées en rez-de-chaussée ne permette l’accueil d’activités de services, sans rechercher si les effets de ce projet devaient être regardés comme suffisants pour contrarier, par eux-mêmes, les objectifs de l’orientation d’aménagement et de programmation à l’échelle de la zone à laquelle cette orientation se rapportait, le tribunal a commis une erreur de droit”.

Cette analyse du Conseil d’État doit être approuvée, car elle correspond, à notre sens, aux vœux du législateur ayant institué ces OAP comme des outils “souples” visant à exprimer de manière qualitative, sur des quartiers ou secteurs ou sur des enjeux du territoire, les ambitions et la stratégie territoriales en termes d’aménagement.

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Président de FRD CONSULTING et de FRD LEARNING. Son expérience de juriste et d’avocat lui a notamment permis d'acquérir une solide expertise en droit immobilier public (droit de l’urbanisme, droit des collectivités territoriales, droit de l’environnement…).
- Spécialiste en droit public et en RSE
- DEA Droit public des affaires
- DESS Droit de la construction et de l'urbanisme
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