L’Aderse est l’association académique consacrée à la recherche et l’enseignement de la RSE. Tous les ans, elle organise un congrès scientifique qui cette année se tenait à Bordeaux, accueilli par le laboratoire en sciences de gestion IRGO.
André Gorius (IFI, WICI France), Jennifer de Coninck (IFI), Sandra Latour (Aupeam), Fernanda Pereyra (Afnor), Rémi Demersseman (Cité de la RSE) ; animée par Stéphane Trébucq.
Le bien-être est une notion intégrée au concept de capital humain, que l’ISO 26000 cite explicitement en matière de RSE, mais cette même norme ne décrit pas tout. Au niveau des immatériels, elle ne fait pas référence au capital informationnel et capital organisationnel, mentionnés par Kaplan et Norton. La RSE et l’immatériel sont donc des concepts qui cohabitent et dont les ponts n’apparaissent pas clairement établis : c’est une démarche encore en chantier.
De même qu’il ne semble pas exister de consensus autour de la définition d’immatériel, il n’en existe pas de celle de capital qui suscite des débats encore nourris. Certains préfèrent par exemple parler de potentiel humain. De même, il peut exister des différences d’appréciation notables entre un chef d’entreprise, un juriste, un directeur des ressources humaines, un expert-comptable, un contrôleur de gestion, ou un psychologue du travail. Dès lors, on peut soulever la question de la mesure du bien-être et des immatériels, de leurs interactions, mais aussi de la pertinence des indicateurs établis à ce jour.
Le concept de société à mission, avec son préalable, qui consiste à définir une raison d’être peut aider à prendre en compte les dimensions immatérielles, mais suffit-il à prendre en considération la complexité de la gestion de l’humain ? Un raisonnement mathématique et matriciel est évident pour un ingénieur, il ne l’est pas pour un manager, et la dimension humaine est difficilement mesurable et par conséquent pilotable, comme le montrent des observations qui ont eu lieu sur le sujet du taux de fréquence de la survenue d’accident du travail ou de l’absentéisme.
Il en va de même pour le capital informationnel, car la connaissance “implicite” (voir les travaux de Nonaka), celle de l’expérience, est par essence intransmissible. Par ailleurs il existerait une sorte de phénomène “ricochet” difficile à appréhender, qui fait qu’il y a une part d’incertitude dans les interactions entre les différents immatériels. Pour autant, si on a coutume de dire que ce qui n’est pas mesuré ne peut être amélioré, il semble y avoir cette spécificité liée au capital humain qui fait que des faits peuvent être mis en lumière par l’observation : un employé démotivé nous renseigne sur l’existence de problèmes de management manifestement mal réglés.
Le risque pour la RSE serait de s’en tenir uniquement à la norme ISO 26000. Les réflexions fondées sur les immatériels peuvent servir de grille de lecture complémentaire ( comme sur le modèle EFQM). L’entreprise apparaît alors comme un organisme vivant, et la RSE comme un outil au service de la compréhension de l’humain.
Stéphane Trébucq est professeur des universités, en poste au sein de l'IAE de Bordeaux et de l'Université de Bordeaux, rattaché au laboratoire IRGO - Institut de Recherche en Gestion des Organisations. Il est actuellement responsable du projet RSE en PME, et de l'axe transition écologique au sein du regroupement des laboratoires en sciences de gestion de Nouvelle-Aquitaine. Il est par ailleurs responsable de la chaire capital humain et performance globale, et co-rédacteur en chef des revues classées Recherche et Cas en Sciences de Gestion (RCSG), et Gestion et Management Public (GMP). Il a récemment présidé le conseil scientifique du congrès RSE de la fondation Oïkos et la remise du prix des Immatériels de l'Observatoire des Immatériels. Ses recherches et publications sont consacrées à la RSE et aux nouveaux outils de gestion intégrant les problématiques de durabilité et de performance globale.
Benoît Vergne est étudiant du master RSE à l'IAE de Bordeaux.