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Le mécénat de compétences sera à impact ou ne sera pas

Le mécénat de compétences est officiellement défini, mais qu’en est-il de sa mise en œuvre ? Les besoins des associations sont-ils toujours prioritaires pour les entreprises qui le déploient ? Ou bien sont-ils parfois occultés par la volonté d’engager un maximum de collaborateurs ? Et d’ailleurs, ces deux objectifs sont-ils incompatibles ?

Cet article est illustré par les partages d’expériences d’acteurs importants de l’écosystème de mécénat. Des acteurs dont les points de vue divergent parfois, mais qui s’accordent tous sur l’impérieuse nécessité de mettre l’impact au cœur du mécénat de compétences.

Une composante clé du mécénat d’entreprise

En complément des dons financiers et des dons de produits, solutions, prêts de locaux… les entreprises peuvent également engager leurs collaborateurs.

Le mécénat de compétences est une des modalités de l’engagement solidaire des collaborateurs. Il consiste à mettre leurs compétences professionnelles ou personnelles à disposition de projets d’intérêt général, sur leur temps de travail.

La marge de développement du mécénat de compétences reste importante au sein des entreprises. Aujourd’hui, 9% des entreprises françaises sont mécènes, et seulement 15% d’entre elles font du mécénat de compétences (1). Même si ces chiffres varient selon la taille des entreprises (46% des grandes entreprises, 4% des ETI et 12% des PME), la perception d’une démarche complexe à mettre en place, et qui mobilise les collaborateurs sur leur temps de travail, est sans doute un des freins à lever pour accélérer son développement.

De réels atouts pour les entreprises, leurs collaborateurs et les associations

Les atouts du mécénat de compétences sont nombreux pour les entreprises : monter en puissance le soutien à leurs partenaires associatifs, renforcer la cohésion interne, l’engagement et la fidélisation des collaborateurs, ainsi que l’attraction de talents, développer la culture de l’innovation… Le mécénat de compétences donne aussi droit à une défiscalisation.

Pour les collaborateurs, les bénéfices sont multiples : 71% considèrent le mécénat de compétences comme une expérience transformatrice qui les a fait évoluer à titre personnel, et en acquisition de nouvelles compétences professionnelles (57%). Cette expérience a également permis à 77% d’entre eux d’augmenter leur attachement à l’égard de leur entreprise et pour 78%, de faire progresser leur compréhension des valeurs de l’entreprise (1).

Quant aux associations, même si les dons financiers restent le nerf de la guerre pour leur permettre de mener à bien leurs missions, l’appui sur des compétences additionnelles pertinentes est également essentiel à leur bon fonctionnement : soutenir leur mission sociale, apporter une vision extérieure et un regard critique dans leur réflexion stratégique et leur structuration, gagner du temps et monter en compétences pour accélérer leur développement, etc.

Cependant, cela reste compliqué pour de nombreuses associations de jongler entre leurs besoins réels en compétences, et la volonté des entreprises de mobiliser un maximum de leurs collaborateurs sur des formats le plus souvent courts, pour ne pas entraver le bon fonctionnement des organisations. Le nombre de jours accordés aujourd’hui par les entreprises se situe à 96% entre une demi-journée et 5 jours (1).

Une vision parfois divergente au sein des entreprises

La définition du mécénat de compétences ne précise pas la durée minimale sur laquelle il doit s’opérer. C’est donc aux entreprises de définir le temps qu’elles souhaitent accorder à leurs collaborateurs, sachant que plusieurs modalités sont possibles et complémentaires.

« Une interrogation de plusieurs associations partenaires nous a convaincus que les actions solidaires de courte durée, tout en étant utiles, perturbent leur quotidien. Sans que ce soit péjoratif, il s’agit d’une « entrée de gamme » du Volontariat, sans doute nécessaire, mais certainement pas suffisante, qui ne correspond pas toujours aux besoins prioritaires des associations. Elle permet davantage aux collaborateurs de développer des compétences douces (soft skills) que d’en apporter véritablement aux associations. » affirme Patrick de Villepin, Responsable Volontariat de BNP Paribas. Très soucieux de l’utilité sociale du volontariat, il en a fait un enjeu sémantique en n’associant pas au mécénat de compétences les actions solidaires de courte durée. Gérées par les différents correspondants du Volontariat dans les entités, celles-ci sont pilotées par la direction des ressources humaines du Groupe qui incite les collaborateurs à s’engager en moyenne un à deux jours par an sur leur temps de travail.

Patrick de Villepin a également fait de l’utilité sociale le moteur de son équipe qui gère notamment un programme de mécénat de compétences longue durée (18 mois à deux ans en moyenne) « très personnalisé et qualitatif », ainsi que du pro bono de quelques jours par an et du mentorat sur 3 à 6 mois, voire davantage, « pour lequel BNP Paribas est l’entreprise française la plus engagée avec 1075 mentors en 2023, soit 1,9% des collaborateurs qui le pratiquent », et dont il souhaite faire une modalité phare d’engagement en l’ouvrant à tous les âges et fonctions de l’entreprise. Tout en étant conscient qu’il est parfois difficile de mobiliser les jeunes collaborateurs « qui ont une carrière à faire ou sont de jeunes parents. »

D’autres regards se portent sur les atouts du mécénat de compétences de courte durée : « Nous observons chez KOEO deux tendances sur le mécénat de compétences : des missions plus courtes ou bien de longue durée. Les missions courtes ne sont pas forcément moins impactant, car nous notons une appétence accrue pour l’accompagnement direct de bénéficiaires finaux : aide aux CV, fracture numérique, mentorat divers. » précise Jean-Michel Pasquier, Fondateur et Président de KOEO (plateforme de mécénat de compétences).

L’impérieuse nécessité de se concentrer sur l’impact des missions

Certes la mise en place d’un dispositif de mécénat de compétences peut être complexe puisqu’il s’agit d’aligner les vrais besoins des associations, les aspirations, compétences et contraintes des collaborateurs, ainsi que les spécificités propres à chaque entreprise. Cette relation tripartite implique de respecter quelques règles pour s’installer dans la durée, et apporter de la valeur à chacune des parties prenantes. La première de ces règles est de garder à l’esprit que le mécénat de compétences, ou plus largement l’engagement solidaire des collaborateurs, doit être avant tout un moyen au service des associations, et non un but en soi.

« Le plus important est d’auditer et de prendre en compte les besoins des associations qui ne sont jamais les mêmes. Et ce, quelles que soient la durée et la typologie des missions. Il en va de l’éthique du mécénat de compétences. Certaines associations n’ont pas de besoins sur du temps long, mais des besoins très opérationnels sur du temps court. » insiste Corinne Massin, Présidente de l’Alliance pour le Mécénat de Compétences (AMC), directrice du Mécénat et déléguée générale du Fonds de dotation Mécénat Servier. Et d’ajouter : « On ne doit pas intégrer des associations juste pour offrir plus de missions aux collaborateurs, s’il n’y a pas de relation de proximité avec ces associations. Il n’y a pas de « marché aux missions » pour les collaborateurs au sein du Groupe Servier, même si une offre multiple permettrait d’augmenter l’engagement. Nous souhaitons rester dans une démarche cohérente vis-à-vis de nos partenaires. »

Ce que partage Raphaël René-Bazin, Secrétaire général de la Fondation Groupe RATP : « Notre mission n’est pas de mettre le mécénat au service de l’animation interne, par l’engagement d’un maximum de collaborateurs. Nous n’avons d’ailleurs pas de dispositif de mécénat de compétences au sein du Groupe. Cependant, notre ambition est de mobiliser toutes les ressources possibles du Groupe lorsqu’elles peuvent être utiles aux bénéficiaires des projets que nous soutenons. Cela nous amène à apporter un soutien sur mesure et pluridimensionnel : financier, relais en affichage, don matériel, mais aussi du temps collaborateurs qui peut se traduire par un apport d’expertises, du mentorat, des visites de sites, des rencontres d’équipes avec des bénéficiaires, etc. ». La diversité des soutiens possibles invite par ailleurs à avoir une approche très large : « L’engagement des équipes et des collaborateurs repose aussi bien sur du volontariat, sur le temps professionnel que sur du bénévolat sur le temps personnel en fonction des métiers et des attentes des projets. »

Que ce soit sur du temps court ou plus long, du temps professionnel et/ou personnel, en individuel ou collectif, de façon ponctuelle ou régulière, mobilisant directement les compétences métiers ou non… la diversité des modalités d’engagement favorise le passage à l’action, et répond aux envies qui apparaissent à différentes étapes d’une même carrière professionnelle. Et pour mettre ces envies et ces compétences à disposition des associations, il est parfois nécessaire de sortir du périmètre interne du mécénat, comme le partage Caroline de Surville, Responsable mécénat de compétences du Groupe ADP : « La fondation ADP a été intégrée à la direction de l’engagement citoyen lors de sa création en 2019. L’engagement solidaire des collaborateurs a alors été placé au niveau de la direction, et non plus de la fondation, afin de l’ouvrir à plus de thématiques en lien avec nos piliers RSE. Nous nous appuyons sur une plateforme afin de faciliter l’accès des collaborateurs à nos programmes, mais également pour leur proposer une offre de missions qui réponde à leurs appétences. »

 Les entreprises ont envie d’être utiles et les associations ont besoin qu’elles le soient. Le mécénat de compétences offre une opportunité unique aux entreprises d’apporter des contributions significatives aux associations, tout en développant les compétences de leurs collaborateurs. Les exigences et le cahier des charges des entreprises ne doivent cependant pas primer sur ceux des associations, et mettre celles-ci en position de distordre leurs besoins, ou d’en créer de nouveaux, afin d’obtenir une dotation financière, ou par crainte de mettre à mal leurs partenariats.

Il n’y a, a priori, pas d’antagonisme entre la durée d’une mission et son impact. L’impact sera au rendez-vous tant que ces missions correspondront à des besoins réels des associations, qu’il s’agisse d’être mentor quelques jours dans l’année à raison de quelques heures par mois, de s’asseoir une journée autour d’une table avec des collègues pour « craquer » le problème d’une association, de passer une demi-journée à préparer des colis pour des personnes âgées isolées… ou bien de rejoindre pendant deux ans le Conseil d’administration d’une association pour contribuer à son développement.

Le travail en cours au sein de l’Alliance pour le Mécénat de Compétences, en partenariat avec ADMICAL et Pro Bono Lab, sur un document de référence autour de la déontologie du mécénat de compétences à impact devrait voir le jour en juin. Il sera assurément une aide pour toutes les parties prenantes engagées – entreprises, collaborateurs et associations – afin de construire ensemble et durablement un cercle vertueux. « Il y a un besoin urgent de cadrer le mécénat de compétences, afin de garantir une relation gagnant-gagnant-gagnant. », insiste Corinne Massin.

Et vous, où en êtes-vous du mécénat de compétences ?

Un grand merci aux professionnels qui ont partagé avec moi leurs expériences et leurs convictions dans le cadre de la rédaction de cet article :

Caroline de Surville, Responsable mécénat de compétences du Groupe ADP
Patrick de Villepin, Responsable Volontariat de BNP Paribas
Corinne Massin, Présidente de l’Alliance pour le Mécénat de Compétences, directrice du Mécénat et déléguée générale du Fonds de dotation Mécénat Servier
Jean-Michel Pasquier, Fondateur et Président de KOEO
Raphaël René-Bazin, Secrétaire général de la Fondation Groupe RATP

(1) Baromètre du mécénat d’entreprise en France – Admical 2022

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Fondatrice de Simply for Good dont la mission est de conseiller et d’accompagner opérationnellement les entreprises dans la construction, la structuration ou la montée en puissance de leur stratégie mécénat.

Quelle que soit leur taille, les entreprises peuvent toujours mieux et plus s’engager, et engager leurs collaborateurs, face aux grands défis sociaux et environnementaux. Et faire ainsi du mécénat un véritable levier d’impact positif sur leurs territoires, collaborateurs, image de marque et attractivité (candidats, clients…).

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