L’écriture inclusive est un processus visant sur le papier à rendre nos écrits plus respectueux de nos différences.
En ajoutant au sein d’un mot un . cela permet de souligner un aspect masculin/féminin qui pourrait s’y attacher tant au singulier qu’au pluriel, où dans ce cas, les . s’enchainent comme autant de fautes de frappe qui auraient été initiées par un clavier fou et autonome.
Dans son souci de ne jamais manquer une occasion de se taire ou de s’abstenir, la maire de Paris a voulu généraliser cette pratique dans la communication municipale. Des formulaires et documents déjà abscons le sont devenus complètement et, comme on pouvait s’y attendre, le débat a débordé de la place de l’Hôtel de Ville pour se répandre dans les salons de l’Académie Française et les salles d’audience.
La décision du Tribunal Administratif de Paris du 14 mars 2023 est assurément une erreur. Voici des magistrats qui se posent en gardiens de la grammaire et de l’orthographe et décident que cette liberté rédactionnelle ne pose pas de problème.
Il conviendrait de rappeler plusieurs choses aux magistrats.
La première est que la qualité rédactionnelle de leurs décisions permet généralement leur compréhension immédiate et leur interprétation juste. S’il convient d’ajouter à ce regard juridique une attention sémantique pour être certain d’avoir bien compris une phrase ou une tournure de phrase, on peut estimer que la transparence et la clarté de la justice n’en sortiront pas gagnantes.
La deuxième est qu’il n’appartient pas à des magistrats de s’imposer censeur du bon goût orthographique, il y a des institutions pour cela et leurs préconisations ont, de ce point de vue, force de loi.
La troisième est que l’écriture inclusive n’est pas qu’une mode anodine ou une facilité rédactionnelle comme pourrait l’être une abréviation, un acronyme, une phonétique. L’écriture inclusive vise à instiller une nouvelle façon de concevoir notre rapport à la société et entre citoyens. De même qu’elle vise à déconstruire les mots en leur faisant perdre leur unité et leur rythme, elle vise à déconstruire, progressivement, nos rapports sociaux en transformant chaque phrase en manifeste communautaire.
Cela est inacceptable et les magistrats auraient dû s’en rendre compte et ne pas laisser leurs opinions personnelles guider une décision.
Le quatrième point à souligner est que les règles d’écriture constituent un socle commun à notre société, partagées par tous et dont l’apprentissage participe à la citoyenneté. Si chacun commence à écrire comme il l’entend, selon ses propres règles, le Volapük ou l’Esperanto peuvent nourrir de grands espoirs de retour en grâce.
Enfin, et c’est le dernier point, le principe d’une écriture est d’être lisible. Par lisible il faut comprendre ne pas uniquement saisir le sens d’un propos, mais de permettre aussi à celui-ci d’être énoncé à haute voix pour être intelligible par le plus grand nombre. Cette qualité, l’écriture inclusive en est complètement dénuée. Elle nivelle par le bas notre mode d’expression, elle complexifie les règles de rédaction en insérant des . à différentes étapes d’une écriture, et surtout elle n’apporte rien de rien à la langue française.
Dans un souci d’ouverture d’esprit, je vais utiliser en conclusion un peu d’écriture inclusive pour me souvenir avec nostalgie des ambitions de la loi Toubon du 4 août 1994 sur l’emploi obligatoire du français, il conviendrait plutôt de renforcer et repréciser cette loi et de se dire qu’il y a presque 30 ans, Toubon avait tou.bon !
Avocat au barreau de Paris, Associé RESPONSABLES