La RSE semble tout particulièrement concerner le secteur de l’ESS car sa philosophie correspond totalement aux objectifs fondateurs des organisations à but non lucratif.
La RSE, définie par la Commission européenne comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes » s’inscrit dans les démarches spontanées et souhaitées par les organisations de l’ESS. D’un point de vue académique, la RSE se définit d’après le modèle de Carroll (1979) comme une approche multidimensionnelle qui comprend une dimension économique, légale, éthique et philanthropique. L’ESS se réclame éthique, philanthropique dans une économie solidaire, légale.
D’un point de vue général, les démarches de RSE imposent aux entreprises de communiquer sur leur performance globale à travers des documents de communication externe (rapports de développement durable, rapports intégrés ou rapports annuels) ou encore dans les initiatives portées par le gouvernement français à travers la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) du 11 avril 2019. Les enjeux de préservation de l’environnement sont perceptibles dans les Objectifs de Développement Durable (ODD) définis au niveau international. Selon cette dynamique, les entreprises peuvent désormais se faire reconnaître comme appartenant à l’ESS.
Cette volonté n’est pas surprenante au regard de toutes les innovations sociales, sociétales et environnementales portées par les organisations à but non lucratif, qu’il s’agisse d’associations, de Scoop, de mutuelles ou encore d’organisations non gouvernementales. Voilà pourquoi on retrouve pleinement la notion de Responsabilité sociale des Entreprises (RSE) dans l’ESS.
Soulignons que l’ESS repose sur un modèle économique que l’on peut qualifier de Responsable, car il est avant tout centré sur les êtres humains et sur sa volonté d’introduire dans les approches strictement capitalistiques de la solidarité et de l’entraide.
La notion de Responsabilité est donc un élément central de l’ESS et elle ne peut se mettre en œuvre que dans la coopération entre acteurs mais également avec la société dans son ensemble, voire les sociétés pour les ONG par exemple.
La dimension sociale ou sociétale apparaît de manière indéniable dans la volonté de ces organisations à but non lucratif de répondre à des besoins en termes de santé, d’accès à la nourriture, au logement, d’intégration sociétale, de prise en charge et d’accompagnement pour les citoyens. L’ESS s’inscrit dans le prolongement de l’action de l’État sur un territoire lorsque l’action publique ou le secteur privé ne suffisent pas pour répondre à un besoin social.
Par exemple, le dispositif « zéro sans solution », voté en 2014 par l’État français, pour promouvoir un devoir collectif d’accompagnement des personnes en situation de handicap et de leur famille. Le dispositif suit une logique d’inclusion afin d’éviter la rupture sociétale. Il est porté par de nombreuses associations du secteur social et médico-social aujourd’hui. Le gouvernement dans son rapport Piveteau du 17 février 2022 tend à opérer un bouleversement sociétal concernant les métiers de l’accompagnement social et médico-social.
La notion d’Entreprise que l’on retrouve dans la RSE ne s’adapte pas au contexte de l’ESS. C’est véritablement la dernière idée défendue dans les démarches de RSE qui réduit les considérations stratégiques pour générer de la valeur globale à un raisonnement in situ, interne à l’entreprise. Les approches par la RSO, à savoir la Responsabilité sociale des Organisations apportent des réponses pour intégrer les différentes formes juridiques des acteurs du secteur de l’ESS.
Pour autant, dans un contexte de coopération ou de coopétition, les organisations se doivent d’ouvrir leurs frontières pour intégrer pleinement dans leurs orientations stratégiques et dans leur logique de création de valeur, la dimension territoriale. N’oublions pas que les organisations à but non lucratif répondent aux besoins des bénéficiaires et que ces derniers sont considérés comme des parties prenantes internes. Voilà pourquoi les approches par la RST offrent un espace de réflexion plus large et mieux adapté aux attentes des citoyens aujourd’hui concernant non seulement l’ESS, mais en réalité l’ensemble des acteurs de l’économie.
Anne Goujon Belghit est maître de conférences HDR à l’Université de Bordeaux France. Membre de l’IRGO, elle fait partie de l’équipe de recherche RH et de l’axe RSE Non Marchand. Ses travaux concernent 3 champs spécifiques : la RSE, la relation à l’emploi et le capital humain. Elle enseigne le comportement organisationnel, la gestion des ressources humaines, la gestion des carrières et les enjeux de l’ESS. Elle est rédactrice de la revue VSE (Vie & Sciences de l’Entreprise). Elle a écrit de nombreux articles académiques internationaux sur la RSE et sur l’ESS.