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Environnement : « le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » est une liberté fondamentale !

Saisi par des particuliers qui demandaient en urgence la suspension de travaux routiers, le Conseil d’État a récemment jugé que «le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé» constitue une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2 du Code de justice administrative (CE, 20 septembre 2022, n° 451129, publié au Lebon). En reconnaissant le caractère d’une liberté fondamentale à un tel droit, le Conseil d’État montre sa prise en compte de la constitutionnalisation de la protection de l’environnement.

Toute personne qui estime que l’administration – collectivités territoriales, services de l’État, établissements publics – porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale peut saisir le juge des référés. Depuis la création de cette procédure d’urgence il y a plus de 22 ans, le juge des référés peut en effet ordonner à l’administration de prendre toute mesure pour faire cesser une telle atteinte sur le fondement de l’article L.521-2 du Code de justice administrative, et ce en quelques heures. Pour cela, le juge tient compte de l’urgence de la situation et de la possibilité d’ordonner des actions pouvant être immédiatement mises en œuvre. Grâce à cette procédure contentieuse, le Conseil d’État a ainsi reconnu de nombreuses libertés fondamentales invocables par les citoyens devant lui : le droit de grève, le droit de pratiquer un sport, la liberté de la presse, la liberté de culte, la liberté de manifestation, la présomption d’innocence… cette liste est loin d’être exhaustive.

Le « droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » qui ici nous intéresse est issu de l’article 1er de la Charte de l’environnement de 2004. La valeur constitutionnelle de la Charte de l’environnement, du fait de son intégration au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, a été admise tant par le Conseil constitutionnel (Décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008) que par le Conseil d’État (CE, 3 octobre 2008, n° 297931, publié au Lebon).

Toutefois, avant la décision du 20 septembre 2022 ici commentée, et en dépit de la valeur constitutionnelle de la Charte de l’environnement, la question se posait de savoir si les droits et libertés consacrés par elle, et notamment ceux de son article 1er, pouvaient se voir reconnaître le caractère d’une liberté fondamentale invocable dans le cadre d’une procédure de référé-liberté (notamment à cause de la trop grande généralité des termes de ladite charte). La question se heurtait d’ailleurs à des décisions contradictoires rendues par plusieurs tribunaux administratifs (TA Châlons-en-Champagne, 29 avril 2005, n° 0500828, 0500829 et 0500830 ; TA Strasbourg, 19 août 2005, n° 0503540).

Ce n’est donc que par sa décision du 20 septembre dernier que le Conseil d’État s’est expressément prononcé en faveur de la reconnaissance du statut de liberté fondamentale à la protection de l’environnement, telle que consacrée par l’article 1er de la Charte, en admettant l’invocabilité du « droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » dans le cadre d’une procédure de référé-liberté. Cette évolution de la jurisprudence des Juges du Palais-Royal va de pair avec celle des Sages de la rue de Montpensier. En effet, par une décision du 31 janvier 2020, se fondant sur le préambule de la Charte de l’environnement, le Conseil constitutionnel a reconnu à la protection de l’environnement le statut d’objectif à valeur constitutionnelle (Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020).

Cette décision du Conseil d’État est à saluer. Il faut en revanche reconnaître que si la voie du référé-liberté est désormais ouverte à la protection de l’environnement, le succès de cette procédure est très aléatoire compte tenu des conditions strictes et cumulatives posées par l’article L.521-2 du Code de justice administrative. Dans l’affaire jugée par le Conseil d’État le 20 septembre 2022, la demande des requérants a d’ailleurs été rejetée en l’absence d’urgence et d’atteinte grave et manifestement illégale à leur droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

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Président de FRD CONSULTING et de FRD LEARNING. Son expérience de juriste et d’avocat lui a notamment permis d'acquérir une solide expertise en droit immobilier public (droit de l’urbanisme, droit des collectivités territoriales, droit de l’environnement…).
- Spécialiste en droit public et en RSE
- DEA Droit public des affaires
- DESS Droit de la construction et de l'urbanisme
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