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Justice et Santé

Santé-environnement : quand la justice confirme l’existence d’un lien direct de causalité entre le dépassement des valeurs limites de concentration de polluants dans l’atmosphère et l’aggravation des maladies respiratoires d’un enfant.

Par un arrêt remarqué du 9 octobre 2024, la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris a confirmé l’existence d’un lien de causalité direct entre le dépassement des valeurs limites de concentration de polluants dans l’atmosphère de la région francilienne et l’aggravation des maladies respiratoires d’un enfant (CAA Paris, 9 octobre 2024, n°23PA03743).

En 2019, le Tribunal administratif de Montreuil retenait pour la première fois que l’Etat avait commis une faute du fait de l’insuffisance des mesures prises en matière de qualité de l’air pour remédier au dépassement, entre 2012 et 2016, dans la région Île-de-France, des valeurs limites de concentration de certains gaz polluants.

Dans cette affaire, une ancienne habitante de la Seine-Saint-Denis, agissant en son nom propre et au nom de sa fille mineure, avait demandé la condamnation de L’État à la réparation des préjudices consécutifs à la pollution atmosphérique en Île-de-France, en raison de cette carence fautive.

Toutefois, sur la question du lien direct de causalité, le tribunal avait rejeté la demande de la requérante en considérant qu’il ne résultait pas des éléments produits à l’instance, que ses pathologies et celles de sa fille trouveraient directement leur cause dans l’insuffisance des mesures prises par l’État (TA Montreuil, 25 juin 2019, n°1802202).

Dans l’affaire ici commentée, la solution indemnitaire adoptée est inverse. Cette reconnaissance judiciaire a été faite dans une hypothèse particulière, marquée par la coïncidence entre épisodes de pollution d’une part et bronchiolites et crises d’asthme de l’autre, ainsi que l’absence d’autres facteurs susceptibles de favoriser l’asthme et l’amélioration spectaculaire de l’état de santé de l’enfant à la suite du déménagement de la famille.

En l’espèce, des parents qui résidaient à Saint-Ouen jusqu’en août 2017 imputent les maladies respiratoires contractées par leur fille âgée de moins de 10 ans à la pollution atmosphérique de la région Ile-de-France. Ils ont saisi le Tribunal administratif de Paris pour qu’il condamne l’Etat à les indemniser des préjudices subis par leur enfant du fait de cette pollution. En première instance, il a jugé que l’Etat avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ce que les mesures adoptées n’avaient pas permis, pour la région Ile-de-France, une amélioration suffisante de la qualité de l’air, et a condamné l’Etat à verser aux parents la somme de 3 000 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 30 juillet 2020 et de leur capitalisation. Ces derniers ont présenté des conclusions incidentes tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu’il ne fait pas droit intégralement à leurs demandes indemnitaires.
Saisie à son tour par l’Etat en appel, la CAA de Paris rappelle qu’une faute commise par l’administration est, en principe, susceptible d’engager sa responsabilité, pour autant qu’il en soit résulté un préjudice direct et certain.

Or, “si les bronchiolites ont une origine généralement virale et si la vie en collectivité favorise la transmission virale, les pics de pollution et la pollution chronique favorisent la survenue de ces infections et y ajoutent une agression inflammatoire pouvant déclencher des manifestations sifflantes à chaque pic de pollution. De même, bien que l’asthme du nourrisson ait une origine multifactorielle, l’existence d’un lien entre cette pathologie et la pollution est établie de façon épidémiologique et statistiquement significative, la pollution pouvant notamment, dans le cas d’épisodes passés de bronchiolite virale, favoriser son développement”.

En outre, “la jeune A, née le 24 mai 2015 et résidant à Saint-Ouen, à proximité immédiate du périphérique et d’un incinérateur, a eu des bronchiolites en octobre et décembre 2015, en janvier, mai et août 2016, un diagnostic d’asthme du nourrisson étant posé en août 2016, ainsi qu’en novembre et décembre 2016, avec une nouvelle crise d’asthme, de même qu’en janvier 2017, et qu’elle a souffert de nouvelles crises de dyspnée sifflante en février et juillet 2017. Plusieurs de ces manifestations respiratoires peuvent être rapprochées d’épisodes de pollution en Ile-de-France, notamment en mai 2016, en août 2016 lors d’un pic de pollution à l’ozone, en décembre 2026, en janvier 2017 et en février 2017. Ses parents n’étant pas fumeurs, l’appartement familial ne comprenant pas d’allergènes et les tests allergologiques réalisés sur l’enfant ayant tous été négatifs, ces autres facteurs susceptibles de favoriser l’asthme doivent être écartés. Enfin, à la suite du déménagement de la famille à Agde en août 2017, l’enfant a connu une amélioration spectaculaire de son état de santé, qui, selon le rapport d’expertise,  » témoigne très probablement pour partie d’une diminution du risque inflammatoire lié à la pollution « , même si l’amélioration météorologique et le changement d’environnement domestique peuvent également avoir joué un rôle”.

Dès lors, dans les circonstances particulières de l’espèce, l’exposition de la jeune enfant à des pics de pollution observés en région parisienne doit ainsi être regardée comme étant en lien de causalité directe, non pas avec l’ensemble des maladies respiratoires contractées par l’enfant, mais avec l’aggravation de ces pathologies.

La Cour confirme ainsi la responsabilité pour faute de l’État et le condamne ainsi notamment à payer aux parents la somme 4 000 euros (au lieu de 3 000 euros en première instance) en réparation des préjudices subis.

Enfin, rappelons que, saisi par plusieurs associations de défense de l’environnement, le Conseil d’État a ordonné le 12 juillet 2017 à l’Etat de mettre en œuvre des plans pour réduire les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) dans 13 zones urbaines en France, afin de respecter la directive européenne sur la qualité de l’air, reprise en droit français (CE, 12 juillet 2017, n°394254, publié au recueil Lebon). Constatant que les mesures prises étaient insuffisantes pour atteindre cet objectif dans plusieurs zones en France, le juge administratif a condamné l’Etat à agir, sous astreinte de plusieurs dizaines de millions d’euros depuis 2020.

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Président de FRD CONSULTING et de FRD LEARNING. Son expérience de juriste et d’avocat lui a notamment permis d'acquérir une solide expertise en droit immobilier public (droit de l’urbanisme, droit des collectivités territoriales, droit de l’environnement…).
- Spécialiste en droit public et en RSE
- DEA Droit public des affaires
- DESS Droit de la construction et de l'urbanisme
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