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Développement durable : l’éolien et les régions

Par un arrêt du 12 juillet 2024, le Conseil d’Etat a estimé qu’une région dispose d’un intérêt à intervenir au soutien d’un recours contre une autorisation environnementale délivrée pour l’installation d’éoliennes à proximité d’un monument d’intérêt majeur régional. Plus précisément, il a été jugé que la région Auvergne-Rhône-Alpes justifie d’un intérêt suffisant à intervenir au soutien du pourvoi en cassation introduit, et ce compte tenu notamment de ses compétences en matière de développement touristique régional et eu égard à la nature et à l’objet du litige jugé qui concerne des sites et monuments d’intérêt majeur au plan régional (CE, 12 juillet 2024, n°464958, mentionné dans les tables du recueil Lebon).

Par un arrêté du 16 mars 2020, le préfet de la Haute-Loire a rejeté la demande d’autorisation environnementale, dont l’avait saisi la société Boralex Massif du Devès, en vue de la construction et de l’exploitation d’un parc de quatre éoliennes sur le territoire de la commune de Saint-Jean de Nay. Cet arrêté a été annulé, à la demande de la société, par la Cour administrative d’appel (CAA) de Lyon, qui, comme juge de plein contentieux, a délivré l’autorisation en cause et a renvoyé la société devant le préfet pour la fixation des prescriptions nécessaires. Devant la cour étaient intervenus, en défense, au soutien du préfet, une association locale de défense de l’environnement, et un propriétaire de château, riverain de site d’implantation du projet.

Cette association et ce propriétaire se sont pourvus en cassation contre l’arrêt de la cour. Se posait la question de savoir si la région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) justifiait d’un intérêt suffisant pour se joindre à la procédure contentieuse (compte tenu notamment de ses compétences en matière de développement touristique régional et eu égard à la nature et à l’objet du présent litige qui concerne des sites et monuments d’intérêt majeur au plan régional tels que la cathédrale du Puy-en-Velay, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO). Cette intervention de la région n’est pas surprenante, au vu de la position de longue date de Laurent Wauquiez (ancien président, devenu très récemment député) qui ne veut pas d’éolien sur son territoire. Selon lui, l’éolien est “un contresens écologique dans une région (…) qui est une région de montagne, avec un impact sur les paysages et la biodiversité. Sans compter l’artificialisation des sols par les cuves en béton qu’elles induisent”.

Sur la question susvisée, le Conseil d’Etat a répondu par l’affirmative en considérant que la région AURA “justifie, compte tenu notamment de ses compétences en matière de développement touristique régional et eu égard à la nature et à l’objet du présent litige qui concerne des sites et monuments d’intérêt majeur au plan régional tels que la cathédrale du Puy-en-Velay, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, d’un intérêt suffisant à intervenir au soutien du pourvoi de l’association Regards de la Durande et autres”. L’intervention de cette collectivité est, par suite, recevable.

Cette décision de justice doit, selon nous, être approuvée. Elle se situe dans le prolongement de la jurisprudence des Juges du Palais-Royal. En effet, pour le Conseil d’Etat, “une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L.181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue” (CE, 1er décembre 2023, n° 470723, mentionné dans les tables du recueil Lebon ; CE, 1er décembre 2023, n° 467009, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Dans ces deux affaires (dont une concernait déjà la région AURA), le Conseil d’État a dénié l’intérêt à agir de la région et celui d’un département. La région AURA contestait une autorisation environnementale pour l’exploitation de cinq aérogénérateurs avec deux postes de livraison et le département de la Charente-Maritime contestait une autorisation visant à installer et exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Chambon et Puyravault.

Les articles L.111-1 et L.111-2 du Code du tourisme prévoient, respectivement que “l’État, les régions, les départements et les communes sont compétents dans le domaine du tourisme et exercent ces compétences en coopération et de façon coordonnée” et que “les collectivités territoriales (…) conduisent, dans le cadre de leurs compétences propres et de façon coordonnée, des politiques dans le domaine du tourisme”. Compte tenu des compétences de la région en matière de tourisme, de culture et d’aménagement du territoire, les inconvénients et dangers que comporte un parc éolien qui serait implanté sur son territoire sont susceptibles, dans certains cas, de lui donner un intérêt pour intervenir. En l’espèce, la proximité du projet avec les sites et monuments d’intérêt majeur au plan régional que sont la cathédrale du Puy-en-Velay, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, le château du Thiolent et la chapelle Saint-Jacques de Rochegude, inscrits au titre des monuments historiques, donnent à la région AURA un intérêt suffisant pour intervenir dans cette affaire. L’admission de son intervention était donc logique.

Notons enfin que le Conseil d’Etat rejette la demande d’annulation des requérants s’agissant de l’autorisation donnée en appel pour ce parc éolien, et ce alors même que son rapporteur public avait sollicité la censure de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon. Pour Frédéric PUIGSERVER, rapporteur public dans cette affaire, la plupart des photomontages que comportait l’étude d’impact résultaient de prises de vue au grand angle ne permettant pas d’apprécier pleinement l’impact visuel des éoliennes projetées sur les paysages et leur insertion dans leur environnement.

Le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier aurait donc dû, selon lui, prospérer en appel. Les Juges du Palais-Royal ont eu une vision différente des pièces du dossier en considérant “qu’après avoir estimé, par un arrêt suffisamment motivé sur ce point et par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les photomontages versés à l’étude d’impact par la société pétitionnaire permettaient d’apprécier l’impact visuel des éoliennes projetées sur les paysages et leur insertion dans leur environnement, et la mesure selon laquelle les principaux sites et monuments étaient susceptibles d’être affectés par le projet litigieux, la cour a pu légalement en déduire que le préfet de la Haute-Loire avait à tort considéré que ces éléments de l’étude d’impact ne permettaient pas d’apprécier correctement les effets du projet sur les paysages et le patrimoine”.

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Président de FRD CONSULTING et de FRD LEARNING. Son expérience de juriste et d’avocat lui a notamment permis d'acquérir une solide expertise en droit immobilier public (droit de l’urbanisme, droit des collectivités territoriales, droit de l’environnement…).
- Spécialiste en droit public et en RSE
- DEA Droit public des affaires
- DESS Droit de la construction et de l'urbanisme
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